Al Baylac

Al Baylac est un·e auteurice mi-gersois·e mi-toulousain·e, attiré·e tantôt par l’électricité urbaine, tantôt par l’ermitage campagnard. Iel écrit sur son rapport ambigu à la ruralité, sa sexualité gouine, sa déconstruction de genre, sa soif d’émancipation de la binarité et de la société hétéro-patriarcale. Iel aime mettre ses textes en voix et sur les planches pour rendre hommage à l’oralité des mots. Iel a publié en 2019 un recueil de poèmes intitulé Ecce Mulier aux éditions La Coudée. Colza est son premier roman.

Photographie © Luciel Lamenace


À quoi bon la littérature ?

C’est une vraie question et je crois qu’on a besoin quand on écrit que d’autres nous le rappellent. Récemment j’ai trouvé deux fois la notion de visibilité chez deux auteurices que j’aime. Paul B. Preciado dit quelque part dans Testo Junkie : « La visibilité m’excite. » Audre Lorde avant lui a écrit dans La Poésie n'est pas un luxe (publié dans le recueil d'essais Sister Outsider) : « Nous craignons la visibilité, cette visibilité sans laquelle nous ne pouvons pas vivre pleinement. »  Alors, à quoi bon la littérature ? À visibiliser ! D'autant plus que la visibilité pose des questions éminemment politiques – qui craint d’être visible et pourquoi ? Je sais maintenant que plus je crains de rendre une chose visible, plus je dois l’écrire. C’est aussi une question de position à défendre – une forme de résistance hommage à toustes celleux qui ont précédé nos luttes.

L’acte d’écriture est-il un acte d’engagement ?

Il n’y a pas d’universalisme dans l’écriture et l’engagement. L’engagement que je recherche est intrinsèque à la notion de littérature et d’écriture situées. Dans l’acte de rendre visible il y a un engagement. D’ailleurs l’engagement peut être vu avec différentes focales : d’un point de vue micro, j’engage de ma personne dans l’écriture, j’engage mon vécu, je me rends visible – c’est effrayant, ça s’appelle la vulnérabilité. D’un point de vue macro, j’ai conscience que mon récit de vie me dépasse – je singularise/exemplarise via mon récit une expérience plus collective de vécus queers, d’agressions, d’oppressions systémiques, de dominations hétéro-patriarcales, etc.

Qu’est  Colza pour toi ?

Colza est un début – c’est la mise en place d’un procédé d’écriture qui vise à partir de soi pour élaborer une pensée globale des structures de dominations et d’oppressions en place dans les imaginaires et systèmes qui nous encadrent. Colza est une main tendue de moi à moi, l’espoir de pouvoir mettre en mot l’indicible. Colza est un premier pas vers l’indicible, vers ce que je ne sais pas encore dire et que je n’arriverai peut-être d’ailleurs jamais à nommer. Colza est à la fois un pansement et un doudou ; nécessairement déjà insatisfaisant et qui réclame une continuité. 


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